La posture empathique à laquelle nous invite la communication consciente repose sur une conviction importante : la personne en face de moi a toutes les ressources nécessaires pour répondre à ses besoins.

C’est lié de près à la distinction entre les besoins et les stratégies. Les besoins étant une traction vitale, une énergie vivante à l’intérieur de nous, ils ne dépendent ni d’une personne, ni d’un lieu, ni d’un objet (plusieurs formulations du langage courant telles que « j’ai besoin que tu fasses ceci », « j’ai besoin d’aller à la bibliothèque », « j’ai besoin de mon ordinateur », illustrent en fait des stratégies). Les besoins sont un carburant propre à nous propulser vers des moyens d’aller dans la direction de la saveur particulière de l’instant : affirmation, sécurité, sens, beauté, connexion, compréhension, solidarité, protection, etc.

Les stratégies pour répondre aux besoins sont illimitées.

Crédit photo: Valeria Boltneva de Pexels

Disons que devant une personne qui regarde ailleurs que vers moi, je me sens frustrée parce que cela ne nourrit pas mon besoin de connexion. Si je suis consciente que c’est ça qui se passe, je peux assumer la responsabilité de mon besoin en choisissant par exemple de :

  • me donner de l’empathie minute en me reliant à la part de moi qui vit cette frustration, qui a comme préférence d’échanger un regard avec l’autre (cette autoempathie nourrit déjà le besoin de connexion, connexion de moi à moi).
  • tenter d’établir le lien avec l’autre personne ; selon le contexte, en faisant une blague, en parlant de la température, en lui demandant ce qui se passe pour elle, en parlant de ce qui se passe pour moi, en la touchant, etc.
  • choisir de vivre de la connexion avec une autre personne (ou avec un animal) en passant un coup de téléphone, en allant dans un autre endroit, ou même en pensée, en me reliant à une figure bienveillante.
  • aller dans la nature pour goûter à mon interdépendance avec les autres éléments de l’écosystème, et ainsi vivre de la connexion.
  • etc.!

S’il est vrai que mon besoin ne dépend pas de l’autre, c’est aussi vrai pour la personne en face de moi. En posture empathique, je prends le parti de faire confiance que la personne en face de moi a toutes les ressources nécessaires pour répondre à ses besoins. Que la présence empathique que je peux offrir suffit à créer les conditions pour qu’elle accède à sa vérité et à ses ressources.

Ce qui veut dire que je n’essaie pas trouver une solution à « ses problèmes », ni même de lui montrer quels sont ses sentiments et ses besoins. La posture empathique implique que je ne suis pas en mode « je sais mieux que toi, je vais t’aider, je vais te montrer ». Je suis juste « avec » ce qui se déploie en l’autre, dans l’instant présent. Et quand un être humain reçoit ce type d’attention bienveillante, il a plus de chance de faire un bout de chemin vers la responsabilité et l’empowerment.

En terminant : la présence empathique n’est pas un « impératif moral » (du genre : « il faut adopter la posture empathique ! »). C’est simplement une possibilité qui ouvre des portes (« Les mots sont des fenêtres…. » comme dans le titre français du livre de Marshall Rosenberg). Une ressource à laquelle je choisis de revenir dès que j’en ai les moyens, parce que ça goûte l’espace, la sérénité, l’ouverture. Et quand je n’en ai pas les moyens : vite, une stratégie pour remplir ma bonbonne d’empathie !

Dans un monde qui valorise le dépassement de soi, l’expression « sortir de sa zone de confort » est passée dans le langage courant. Et si, pour pouvoir vivre l’expansion créatrice à laquelle on aspire, il fallait d’abord goûter à sa zone de sécurité ?

Julia Cameron, dans Libérez votre créativité, nous invite à considérer la partie créative de nous comme un petit enfant. Cette analogie fonctionne très bien pour moi. En fait, ce n’est pas de l’abstraction, c’est une réalité énergétique. Je la sens, cette petite en moi, qui trouve plein de choses très intéressantes, très drôles. Qui a envie de s’amuser, de jouer. C’est elle qui s’est mise à vibrer de joie quand j’ai vu l’annonce du cours d’acrobatie et trampoline à l’école de cirque. Je conçois très bien que ce soit elle qui fournisse l’énergie pour dessiner, écrire des histoires, chanter, danser…

Et parfois – souvent ! — elle a peur.

Il est intrigant, ce monde, mais il est aussi effrayant. Et il y a toutes sortes de choses qui arrivent, quand on se lance à faire de nouvelles choses ou qu’on montre aux autres nos « beaux dessins » : de l’indifférence, des critiques, des refus, de l’incompréhension. Quand je prends des cours de trapèze ou d’acrobatie, je ne suis pas vraiment « bonne ». Je ne suis qu’une débutante, alors que mon artiste, elle, aimerait dès le premier cours se qualifier pour le Mondial de gymnastique ! Même chose pour l’écriture : j’ai mis des années à sortir mon premier roman, parce que ça devait être le prix Nobel ou rien ! Le test de la réalité peut être un choc, surtout quand l’enfant intérieur a été refoulé, qu’il a beaucoup rêvé, mais peu expérimenté. Alors, comme un escargot dont on touche les antennes, il se recroqueville. Et c’est très important d’avoir une coquille où digérer ces nouvelles informations qui stimulent beaucoup sa sensibilité.

Un petit enfant, quand il a peur, il se cache dans les bras de maman (ou papa). Alors il s’agit de devenir soi-même le parent sécurisant de notre enfant artiste. Pour que notre créativité soit en mesure de s’exprimer, l’artiste en nous doit avoir l’assurance qu’il pourra revenir en lieu sûr et être accueilli, dorloté, aimé tel quel. Un espace où on écoutera les histoires terrifiantes qu’il se raconte sur le monde, où on entendra ce qu’il vit avant de lui expliquer, doucement, qu’il peut aussi voir les choses autrement. Je peux écouter la douleur de mon artiste d’être à peine capable de faire la roue, d’avoir un cours de retard sur les autres ; entendre son aspiration à vivre avec les pirouettes la même aisance qu’elle a avec les mots… Et lui exprimer l’admiration que je ressens quand je vois qu’elle persévère à suivre ses élans, à vivre son authenticité et à la partager avec les autres. Et ce lien d’amour crée la sécurité intérieure qui permet d’aller jouer dans le monde et d’expérimenter l’art et la vie. (Bien sûr, le Censeur est toujours présent – comment composer avec lui fera l’objet d’un autre article et d’un atelier, le 24 octobre – voir le calendrier).

Ça m’arrive chaque fois. Chaque fois que je suis un peu visible, que j’exprime de l’expansion créative par un article, un événement, un spectacle : après, il y a de la contraction. Connaître le phénomène, avoir conscience de ce besoin de sécurité et de soins me permet d’agir en conséquence. Et de continuer à contribuer au monde avec ma créativité.

Si vous avez envie d’expérimenter cet aspect de la créativité, bienvenue à l’atelier du mardi le 17 octobre.

La zone de sécurité pour mieux créer

Mardi 17 octobre
18 h 30 à 20 h 30
Montréal (local à déterminer selon le nombre d’inscriptions – près d’un métro)
30 $ taxes incluses (25 $ si étudiant ou sans emploi)
Pour vous inscrire: virement Interac à info@jacinthelaforte.com ou par chèque ou argent comptant le soir même.

Important: inscription requise avant 18 h la veille de l’atelier.

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Pendant des années, je me suis sentie déchirée.

Comme jeune adulte, j’avais baigné dans l’univers altermondialiste qui plaçait le changement social en haut de l’échelle de valeur. Mais j’étais habitée de grandes souffrances personnelles qui avaient besoin de beaucoup de soins et d’un type d’attention qu’elles ne recevaient dans ce milieu… Alors j’ai passé des années à m’occuper de mon « développement personnel », une expression qui goûtait la honte depuis mon regard « altermondialiste », et, si j’osais y ajouter le qualificatif « spirituel », c’était encore pire… Je me suis donc pratiquement retirée du milieu du changement social, à cause de ce jugement perçu et intériorisé (projeté, au fond).

Et à travers ça, je pratiquais mon art, l’écriture, de mon mieux. Mon art qui sans forcer est naturellement porté sur des questions sociales (mon roman Cité carbone, par exemple!), parce que malgré mon « égoïste » démarche individuelle, le monde continuait de m’interpeller ! Un pied dans la guérison personnelle, un pied dans la création, le coeur tiré vers le changement social, je tentais de coudre une douloureuse courte-pointe avec des points de suture.

Je vis aujourd’hui une immense célébration. La célébration de l’intégration de ces trois aspects : le personnel, l’artistique et le social. Car montrez-moi les frontières ! Elles n’existent pas.

Prendre soin de ce qui se passe en moi, c’est politique : ça me rend plus capable d’interagir avec les autres et, à un moment donné, d’être capable d’intervenir dans ma communauté, dans mon monde. Prendre soin de ce qui se passe en moi, ça me permet de créer. Créer, c’est une contribution à l’évolution du monde, sur les plans personnel et politique, parce que l’art offre un autre regard, nous donne de la distance, de la conscience, de la présence.

Tout le mouvement de l’art communautaire ou art social s’inscrit d’ailleurs dans cette perspective d’ouverture. Inclure dans plusieurs domaines et à toutes sortes de « catégories de personnes » le processus créatif qui, en transformant la matière, nous transforme. La créativité, c’est la force même de la vie et nous gagnons à y revenir, comme individus et comme société !

La démarche Libérez votre créativité  de Julia Cameron allie merveilleusement la guérison et la création.  Et la Communication non violente, nommée ainsi par Marshall Rosenberg pour souligner la parenté de sa démarche avec celle de Gandhi, ajoute aussi l’aspect social : profondément transformatrice au niveau personnel, elle permet une ouverture de la conscience de notre interdépendance et nous donne des moyens d’agir avec les autres et dans le monde d’une façon extrêmement créative.

La courte-pointe n’a pas besoin d’être cousue: c’est un tissu dynamique où tout est déjà relié.

Le tissu de la vie.